Faraut Jean-Louis
[*]>
In article <19970610003024894504@mon-tpc-13.planete.net>,
[*]>
jbaagoe@planete.net (Johannes Baagoe) writes:
>
[*]>
> Ma question est donc toute simple : Dieu a-t-Il créé le
mal ?
[*]>
[*]>
pour vous aider à trouver la réponse à votre question,
il
[*]>
faut d'abord s'entendre sur la définition du mal et du bien.
Pas forcément. Il faut seulement
savoir s'il existe quelque chose qui ne
devrait pas exister, et si oui, si
c'est ou non Dieu qui l'a créée.
Après, qu'on appelle cela "mal"
ou autrement, c'est un peu secondaire.
On peut répondre "Non, il n'existe
rien qui ne devrait pas exister".
C'est, par exemple, la position d'Alexander
Pope, exprimée avec une
concision admirable : "Whatever is,
is right" (magnifiquement mis en
musique par Haendel à la fin
du deuxième acte de Jephta, son dernier
oratorio, composé alors qu'il
devenait aveugle).
C'est logiquement imparable, mais à
quel prix ! Tout ce qui est est
bien. Du péché d'Adam
à Auschwitz en passant par le tremblement de terre
de Lisbonne, et j'en passe, et d'horribles,
Dieu n'aurait pas pu faire
mieux. Le monde que nous connaissons
est le meilleur des mondes
possibles, et tous les malheurs, toutes
les souffrances, toutes les
détresses que nous y voyons
sont des maux nécessaires, ou du moins des
moindres maux. Si quelqu'un sur ce
forum se sent de défendre cette thèse
impitoyable et héroïque,
je lui souhaite bien du courage.
Sinon, si l'on admet qu'il existe dans
le monde quelque chose qui ne
devrait pas exister, on retombe sur
la question "Est-ce que cette chose
a été créée,
et si oui, par qui ?". Et les différentes réponses
possibles ne sont pas encourageantes
pour le monothéiste.
[réponse
de: jlf@essi.fr]
Dire qu'elle n'aurait pas été
créée, c'est reconnaître que tout n'a pas
besoin d'un créateur. L'argument
de départ pour poser l'existence de
celui-ci s'effondre. (C'est ma position,
mais aussi bien je ne crois pas
en un créateur.)
Dire qu'elle a été créée
par quelqu'un d'autre que Dieu, c'est admettre
l'existence de plusieurs créateurs.
(C'est la réponse dualiste, genre
manichéiste ou zoroastrien :
le bon dieu a créé le bien, le mauvais dieu
a créé le mal ; les deux
se bagarrent depuis l'origine des temps ;
choisis ton camp. Si ce n'est pas très
plausible, ce n'est du moins pas
ouvertement contradictoire.) Et rien
ne sert de faire intervenir le
diable ou la nature déchue de
l'homme ou le péché : si Dieu a tout créé,
Il a aussi créé le péché,
la nature déchue de l'homme et le diable ; Il
en est la cause ultime, puisqu'Il est
la cause ultime de tout.
Reste la troisième réponse
: Il y a un seul Dieu Créateur du ciel et de
la terre, de l'univers visible et invisible,
du bien... et du mal.
[*]>
Sur le bien et la liberté, voici un extrait d'un grand theologien
[*]>
contemporain Maurice Zundel (mort il y a une vingtaine d'annees):
[*]>
[*]>
======================================================================
[*]>
Le bien, c'est Quelqu'un à aimer et non pas quelque chose à
[*]>
faire. Davantage: on ne peut pas le faire, il faut le devenir puisque
[*]>
le bien c'est nous, c'est nous-mêmes en état de don. Et c'est
là une
[*]>
découverte magnifique, parce que c'est là que notre liberté
obtient la
[*]>
révélation d'elle-même. [...]
[*]>
[*]>
Or, dans l'Évangile, parce que nous sommes en face d'un Dieu qui
est
[*]>
tout Amour, d'un Dieu infiniment libre parce qu'Il décolle
[*]>
éternellement de Lui-même, parce qu'Il est incapable de tout
retour
[*]>
sur soi, parce qu'en Lui «Je est un Autre», nous avons là
la
[*]>
révélation du bien parfait dans une liberté absolue.
Et nous apprenons
[*]>
par là que être libre, c'est se donner.
[*]>
[*]>
Etre libre, ce n'est pas choisir entre une chose et une autre chose,
[*]>
entre une botte de foin et une botte d'asperges. Etre libre, c'est
[*]>
pouvoir décoller de soi et faire de tout soi-même un don.
Et c'est
[*]>
cela le bien, et il n'y en a pas d'autre. Le Bien et la Liberté
[*]>
s'identifient dans leur racine, puisque le bien et la Liberté
[*]>
consistent l'un et l'autre, et identiquement, en ce surgissement d'une
[*]>
personne qui est tout entière un élan vers un autre.
[*]>
======================================================================
[*]>
[*]>
Extrait de "Je parlerai à ton coeur" M. Zundel aux Editions Anne
Sigier
Hors-sujet, langue de bois, redéfinition
des termes "bien" et "liberté"
qui rappelle la Nouvlangue d'Orwell
dans 1984. La question posée n'est
pas "Dans quel sens non-standard Zundel
utilise-t-il les termes "bien"
et "liberté" ?", mais bien
"Dieu a-t-Il créé le mal ?".
[réponse
de: jlf@essi.fr]
[*]>
"Si Dieu est Amour, il ne peut créer que dans l'amour, c'est-à-dire
[*]>
dans une structure d'alliance. Comme aime dire Zundel, Dieu a ouvert
[*]>
l'anneau d'or des fiançailles éternelles, charge à
l'homme de le
[*]>
refermer. Dès lors, la création est une histoire à
deux, où l'homme
[*]>
peut blesser Dieu par son refus de l'alliance. Par rapport à la
[*]>
créature, Dieu est humble, car il se met en dépendance des
choix de la
[*]>
liberté. Plus encore, il court le risque de devenir victime du mal,
[*]>
devant le refus possible de l'homme.
[*]>
[*]>
C'et là un thème très fort chez Zundel: Dieu est innocent
du mal; il
[*]>
est impossible qu'il veuille le mal, ou même qu'il le permette. Dieu
[*]>
est mystérieusement victime du mal, car le mal est rupture de
[*]>
l'Alliance. C'est pourquoi le péché peut être si terrible:
quand on
[*]>
touche à l'homme, on touche à Dieu. Et si puissant: quand
on refuse
[*]>
l'alliance, on déstructure la création. Dès lors,
quand une personne
[*]>
est victime du mal, soit par la malice des hommes, soit par la
[*]>
création qui «n'est pas dans l'état où elle
devrait être», Dieu est
[*]>
mystérieusement avec elle, portant sa souffrance dans la
[*]>
compassion. Dieu compatissant pour sa créature, jusqu'à en
prendre sur
[*]>
lui tout le malheur pour l'engouffrer dans la toute-puissance de la re
[*]>
création"
[*]>
[*]>
tiré d'une réflexion de Marc Donzé Bulletin du secrétariat
de la
[*]>
conférence des évêques de France, no 12, juillet-août
1989
Et le commentaire de l'épigone
ne vaut pas mieux.
S'il faut établir l'innocence
de Dieu et son rôle de victime
"mystérieuse" (!) du mal, il
faut établir que *tout* mal est une
nécessité logique, que
c'est là de toute éternité, que même Dieu
pourtant par hypothèse tout-puissant
n'y peut rien. Il ne suffit
[réponse
de: jlf@essi.fr]
sûrement pas de Le louer parce qu'Il essaie, tant
bien que mal, de
recoller les morceaux ! Ca, ça
peut s'appliquer à une créature, saint
Vincent de Paul ou la mère
Thérésa, pas au supposé Créateur. S'Il est
tout-puissant, Il est tout-responsable.
[réponse
de: jlf@essi.fr]
[*]>
cordialement,
Cordialement aussi, car si j'argumente
avec vigueur, il faut plus y voir
une marque d'estime que le contraire.
C'est l'adversaire qu'on méprise
ou dont on a pitié qu'on ménage
:-)
[réponse
de: jlf@essi.fr]