From: jbaagoe@planete.net (Johannes Baagoe)
Newsgroups: fr.soc.religion
Date: Thu, 12 Jun 1997 12:48:39 +0100
Message-ID: <19970612124839581516@mon-tpc-05.planete.net>

Faraut Jean-Louis écrit :

[*]> In article <19970610003024894504@mon-tpc-13.planete.net>,
[*]> jbaagoe@planete.net (Johannes Baagoe) writes:
>
[*]> > Ma question est donc toute simple : Dieu a-t-Il créé le mal ?
[*]>

[*]> pour vous aider à trouver la réponse à votre question, il
[*]> faut d'abord s'entendre sur la définition du mal et du bien.

Pas forcément. Il faut seulement savoir s'il existe quelque chose qui ne
devrait pas exister, et si oui, si c'est ou non Dieu qui l'a créée.
Après, qu'on appelle cela "mal" ou autrement, c'est un peu secondaire.

On peut répondre "Non, il n'existe rien qui ne devrait pas exister".
C'est, par exemple, la position d'Alexander Pope, exprimée avec une
concision admirable : "Whatever is, is right" (magnifiquement mis en
musique par Haendel à la fin du deuxième acte de Jephta, son dernier
oratorio, composé alors qu'il devenait aveugle).

C'est logiquement imparable, mais à quel prix ! Tout ce qui est est
bien. Du péché d'Adam à Auschwitz en passant par le tremblement de terre
de Lisbonne, et j'en passe, et d'horribles, Dieu n'aurait pas pu faire
mieux. Le monde que nous connaissons est le meilleur des mondes
possibles, et tous les malheurs, toutes les souffrances, toutes les
détresses que nous y voyons sont des maux nécessaires, ou du moins des
moindres maux. Si quelqu'un sur ce forum se sent de défendre cette thèse
impitoyable et héroïque, je lui souhaite bien du courage.

Sinon, si l'on admet qu'il existe dans le monde quelque chose qui ne
devrait pas exister, on retombe sur la question "Est-ce que cette chose
a été créée, et si oui, par qui ?". Et les différentes réponses
possibles ne sont pas encourageantes pour le monothéiste.
[réponse de: jlf@essi.fr]

Dire qu'elle n'aurait pas été créée, c'est reconnaître que tout n'a pas
besoin d'un créateur. L'argument de départ pour poser l'existence de
celui-ci s'effondre. (C'est ma position, mais aussi bien je ne crois pas
en un créateur.)

Dire qu'elle a été créée par quelqu'un d'autre que Dieu, c'est admettre
l'existence de plusieurs créateurs. (C'est la réponse dualiste, genre
manichéiste ou zoroastrien : le bon dieu a créé le bien, le mauvais dieu
a créé le mal ; les deux se bagarrent depuis l'origine des temps ;
choisis ton camp. Si ce n'est pas très plausible, ce n'est du moins pas
ouvertement contradictoire.) Et rien ne sert de faire intervenir le
diable ou la nature déchue de l'homme ou le péché : si Dieu a tout créé,
Il a aussi créé le péché, la nature déchue de l'homme et le diable ; Il
en est la cause ultime, puisqu'Il est la cause ultime de tout.

Reste la troisième réponse : Il y a un seul Dieu Créateur du ciel et de
la terre, de l'univers visible et invisible, du bien... et du mal.

[*]> Sur le bien et la liberté, voici un extrait d'un grand theologien
[*]> contemporain Maurice Zundel (mort il y a une vingtaine d'annees):
[*]>
[*]> ======================================================================
[*]> Le bien, c'est Quelqu'un à aimer et non pas quelque chose à
[*]> faire. Davantage: on ne peut pas le faire, il faut le devenir puisque
[*]> le bien c'est nous, c'est nous-mêmes en état de don. Et c'est là une
[*]> découverte magnifique, parce que c'est là que notre liberté obtient la
[*]> révélation d'elle-même. [...]
[*]>
[*]> Or, dans l'Évangile, parce que nous sommes en face d'un Dieu qui est
[*]> tout Amour, d'un Dieu infiniment libre parce qu'Il décolle
[*]> éternellement de Lui-même, parce qu'Il est incapable de tout retour
[*]> sur soi, parce qu'en Lui «Je est un Autre», nous avons là la
[*]> révélation du bien parfait dans une liberté absolue. Et nous apprenons
[*]> par là que être libre, c'est se donner.
[*]>
[*]> Etre libre, ce n'est pas choisir entre une chose et une autre chose,
[*]> entre une botte de foin et une botte d'asperges. Etre libre, c'est
[*]> pouvoir décoller de soi et faire de tout soi-même un don. Et c'est
[*]> cela le bien, et il n'y en a pas d'autre. Le Bien et la Liberté
[*]> s'identifient dans leur racine, puisque le bien et la Liberté
[*]> consistent l'un et l'autre, et identiquement, en ce surgissement d'une
[*]> personne qui est tout entière un élan vers un autre.
[*]> ======================================================================
[*]>
[*]> Extrait de "Je parlerai à ton coeur" M. Zundel aux Editions Anne Sigier

Hors-sujet, langue de bois, redéfinition des termes "bien" et "liberté"
qui rappelle la Nouvlangue d'Orwell dans 1984. La question posée n'est
pas "Dans quel sens non-standard Zundel utilise-t-il les termes "bien"
et "liberté" ?", mais bien "Dieu a-t-Il créé le mal ?".
[réponse de: jlf@essi.fr]

[*]> "Si Dieu est Amour, il ne peut créer que dans l'amour, c'est-à-dire
[*]> dans une structure d'alliance. Comme aime dire Zundel, Dieu a ouvert
[*]> l'anneau d'or des fiançailles éternelles, charge à l'homme de le
[*]> refermer. Dès lors, la création est une histoire à deux, où l'homme
[*]> peut blesser Dieu par son refus de l'alliance. Par rapport à la
[*]> créature, Dieu est humble, car il se met en dépendance des choix de la
[*]> liberté. Plus encore, il court le risque de devenir victime du mal,
[*]> devant le refus possible de l'homme.
[*]>
[*]> C'et là un thème très fort chez Zundel: Dieu est innocent du mal; il
[*]> est impossible qu'il veuille le mal, ou même qu'il le permette. Dieu
[*]> est mystérieusement victime du mal, car le mal est rupture de
[*]> l'Alliance. C'est pourquoi le péché peut être si terrible: quand on
[*]> touche à l'homme, on touche à Dieu. Et si puissant: quand on refuse
[*]> l'alliance, on déstructure la création. Dès lors, quand une personne
[*]> est victime du mal, soit par la malice des hommes, soit par la
[*]> création qui «n'est pas dans l'état où elle devrait être», Dieu est
[*]> mystérieusement avec elle, portant sa souffrance dans la
[*]> compassion. Dieu compatissant pour sa créature, jusqu'à en prendre sur
[*]> lui tout le malheur pour l'engouffrer dans la toute-puissance de la re
[*]> création"
[*]>
[*]> tiré d'une réflexion de Marc Donzé Bulletin du secrétariat de la
[*]> conférence des évêques de France, no 12, juillet-août 1989

Et le commentaire de l'épigone ne vaut pas mieux.
S'il faut établir l'innocence de Dieu et son rôle de victime
"mystérieuse" (!) du mal, il faut établir que *tout* mal est une
nécessité logique, que c'est là de toute éternité, que même Dieu
pourtant par hypothèse tout-puissant n'y peut rien. Il ne suffit
[réponse de: jlf@essi.fr]
sûrement pas de Le louer parce qu'Il essaie, tant bien que mal, de
recoller les morceaux ! Ca, ça peut s'appliquer à une créature, saint
Vincent de Paul ou la mère Thérésa, pas au supposé Créateur. S'Il est
tout-puissant, Il est tout-responsable.
[réponse de: jlf@essi.fr]

[*]> cordialement,

Cordialement aussi, car si j'argumente avec vigueur, il faut plus y voir
une marque d'estime que le contraire. C'est l'adversaire qu'on méprise
ou dont on a pitié qu'on ménage :-)
[réponse de: jlf@essi.fr]

--
Johannes
http://www.planete.net/~jbaagoe