From: jbaagoe@planete.net (Johannes Baagoe) 
Newsgroups: fr.soc.religion
Message-ID: <199706131257422204004@mon-tpc-01.planete.net>
Faraut Jean-Louis écrit :

[*]> [TRES TRES LONG, DESOLE, MAIS JE L"ESPERE INTERESSANT!]

Hihi... j'ai renoncé depuis longtemps à avertir d'entrée que mes
messages étaient longs ; il le sont en général. Le lecteur s'en rendra
bien compte, et me mettra dans sa kill-file si ça ne lui plaît pas.
Allez donc traiter de questions pareilles en trois lignes !

[*]> In article <19970612124839581516@mon-tpc-05.planete.net>,
[*]> jbaagoe@planete.net (Johannes Baagoe) writes:
>
[*]> > Sinon, si l'on admet qu'il existe dans le monde quelque chose qui ne
[*]> > devrait pas exister, on retombe sur la question "Est-ce que cette chose
[*]> > a été créée, et si oui, par qui ?". Et les différentes réponses
[*]> > possibles ne sont pas encourageantes pour le monothéiste.

Notez que je m'étais donné la peine d'éviter le recours au mot "mal"
pour dire simplement "quelque chose qui ne devrait pas exister", de
façon à éviter les solutions consistant à botter en touche par une
redéfinition commode du terme...

[*]> le mal n'est ni une création ni une créature, mais un état de l'homme
[*]> (de son âme) qui le pousse à refuser Dieu. Il est la conséquence
[*]> logique de la liberté que Dieu accorde à l'homme en refusant
[*]> de se manifester à ses sens et d'intervenir dans sa vie.
[*]>
[*]> le mal est une conséquence
[*]> - tolérée par Dieu,
[*]> - subie par Lui solidairement avec nous (la Passion du Christ),
[*]> mais
[*]> - non voulue par Lui (cf. prière du Christ avant sa mort),
[*]> contre laquelle
[*]> - il nous faut lutter (cf. les miracles du Christ)
[*]> et
[*]> - qui n'est pas une fatalité sans issue (cf. la Résurrection).
[*]>
[*]> En conclusion, le mal n'est absolument pas incompatible avec un Dieu
[*]> créateur et amour.
[réponse de: jlf@essi.fr]

Toujours la même confusion entre le mal moral et le mal naturel ; vous
n'évoquez que le premier, et encore, c'est loin de me satisfaire, mais
on verra ça plus loin.
[réponse de: jlf@essi.fr]

S'il vous plaît, n'esquivez pas le problème du mal naturel. Dieu a-t-il
causé le tremblement de terre de Lisbonne cher (si j'ose dire) à
Voltaire ? Ou est-ce, là aussi, une "conséquence logique de la liberté
que Dieu accorde à l'homme" ?
[réponse de: jlf@essi.fr]

[*]> > S'il faut établir l'innocence de Dieu et son rôle de victime
[*]> > "mystérieuse" (!) du mal, il faut établir que *tout* mal est une
[*]> > nécessité logique, que c'est là de toute éternité, que même Dieu
[*]> > pourtant par hypothèse tout-puissant n'y peut rien.
[*]>
[*]> oui, Dieu ne peut rien contre le refus de l'homme.Dans ce sens-là, il
[*]> n'est pas tout-puissant. Mais c'est par amour pour nous qu'il renonce
[*]> à exercer ses pouvoirs afin de ne pas contraindre notre liberté de
[*]> choix; le Christ aurait certainement pu éviter la Croix, mais il a
[*]> choisi de l'accepter librement pour nous montrer le vrai visage du
[*]> Dieu Amour-Infini qui s'offre en sacrifice pour nous sauver du
[*]> mal. Nous sommes sauvés, parce que dès lors, nous savons quelle
[*]> réponse donner au mal (l'amour) et la mort (le mal supreme) n'est plus
[*]> la fin de tout.

La mort ne me paraît pas le mal supprême. Ce n'est d'ailleurs pas
cohérent avec la définition que vous proposiez plus haut : "un état de
l'homme (de son âme) qui le pousse à refuser Dieu". La mort, pour moi,
est nulle : ni positive, ni négative. Moins bien, évidemment, qu'une vie
où les satisfactions, pour soi-même et les autres, l'emportent sur les
souffrances, mais nettement mieux qu'une éternité en enfer, par exemple.
Je n'ai pas peur de la mort ; pour le moment, je voudrais qu'elle soit
la plus éloignée possible, vu que ma vie me plaît et que je n'ai pas
trop l'impression d'emmerder mon monde, mais enfin, le jour venu, je ne
la crains pas plus que je n'ai des souvenirs affreux d'avant ma
naissance. (Le fait de mourir, en revanche, est assez effrayant : la
plupart des modalités ont l'air d'être inconfortables, voire
douloureuses. Enfin, j'y arriverai bien, comme tout le monde ;-) )
[réponse de: jlf@essi.fr]

Mais c'était une parenthèse. Le problème posé par la défense par le
libre arbitre, c'est 1. que ça ne résoud en rien le problème du mal
[réponse de: jlf@essi.fr]
naturel, et que 2. que le fait de renoncer à exercer la totalité de Sa
toute-puissance (encore faudrait-il expliquer comment Il pourrait le
faire ; quand on y réfléchit un peu, ce n'est pas si évident que ça) ne
[réponse de: jlf@essi.fr]
suffit pas à enlever la responsabilité du Créateur dans le mal moral
causé par ses créatures. Il sera au moins coupable par omission ou par
imprudence. Frankenstein est responsable des actions de son monstre,
soit parce qu'il lui veut pas le contrôler, soit parce qu'il a fabriqué
[réponse de: jlf@essi.fr]
quelque chose qu'il ne peut plus contrôler ; Dieu, qui sait tout, ne
peut même pas plaider l'ignorance des conséquences. Le Créateur ne peut
pas faire porter le chapeau à la créature ; l'incommensurabilité de
leurs savoirs et de leurs pouvoirs l'empêche sûrement.
[réponse de: jlf@essi.fr]

[*]> Cela j'ai bien peur que l'intelligence du cerveau ne suffise pas à le
[*]> comprendre:

C'est plus grave que ça : je soutiens que l'intelligence du cerveau
suffit à comprendre que ça ne peut pas être le cas !

[*]> il faut aussi l'intelligence du coeur (je ne veux pas dire
[*]> que vous en êtes dépourvu, mais que vous utilisez une méthode -la
[*]> philo- qui ne peut que vous conduire dans une impasse intellectuelle)

Je n'ai pas l'impression d'être, moi, dans une impasse :-)
[réponse de: jlf@essi.fr]

[*]> Pour comprendre ce qu'a fait le Christ et qui Il est, il faut se
[*]> faire tout petit enfant devant lui comme Lui s'est fait petit
[*]> enfant d'homme, abandonner sa richesse, son savoir etc..
[*]>
[*]> Penchez-vous un peu par ici et écoutez ce que disait Thérèse, un
[*]> petit bout de choux de 14 ans et qui déjà en savait plus que moi
[*]> sur Dieu:
[*]> "Ah ! si des savants ayant passé leur vie dans l'étude étaient venus
[*]> m'interroger, sans doute auraient-ils été étonnés de voir une enfant
[*]> de quatorze ans comprendre les secrets de la perfection, secrets que
[*]> toute leur science ne leur peut découvrir, puisque pour les posséder
[*]> il faut être pauvre d'esprit !"
[*]> [Ste Thérèse de l'Enfant Jésus très grande sainte et mystique morte
[*]> à l'age de 25 ans]
[*]>
Ecoutez, nous n'allons pas reprendre à notre compte l'interprétation
ironique et contestable de "Bienheureux les pauvres en esprit", qu'on
peut aussi lire dans un sens plus acceptable ("Bienheureux ceux qui ont
un esprit de pauvreté, qui ne sont pas trop sûrs de leur fait")... S'il
faut être débile mental pour être chrétien, je le déplore, mais ce n'est
quand même pas quelque chose qu'un chrétien puisse revendiquer !
[réponse de: jlf@essi.fr]

> > Il ne suffit sûrement pas de Le louer parce qu'Il essaie, tant bien que
> > mal, de recoller les morceaux ! Ca, ça peut s'appliquer à une créature,
> > saint Vincent de Paul ou la mère Thérésa, pas au supposé Créateur. S'Il
> > est tout-puissant, Il est tout-responsable.
>
[*]> Désolé, c'est tout faux! Dieu n'essaye absolument pas de recoller ce
[*]> que l'homme casse. Ou plus exactement, il a essayé avec le Christ, une
[*]> fois pour toutes et maintenant il n'y aura pas de nouveau-Nouveau
[*]> Testament (ou nouvelle alliance). Dieu n'est pas responsable de vos
[*]> (mes) conneries. Vous (Je) êtes (suis) responsable.

Mais Dieu est responsable de nous avoir faits, vous et moi, et de nous
avoir faits tels que nous sommes, en sachant exactement ce que nous
sommes, et ce que nous allons faire dans telle ou telle hypothèse qu'Il
maîtrise parfaitement. La place du libre-arbitre de la créature face à
un Créateur tout-puissant est une difficulté majeure et bien connue dans
la théologie chrétienne, lire Augustin, Luther, Calvin, etc.

[*]> Puis-je risquer une question sans vouloir vous offenser -vraiment-:
[*]>
[*]> Où voulez-vous en venir avec vos questions exactement?
[*]> Que cherchez-vous à démontrer?
[*]> Que Dieu n'existe pas, ou qu'il existe et qu'il est mauvais?
[*]> Ou quoi?

1. Qu'il n'y a pas de raison valable de croire en l'existence de Dieu,
ou de toute autre entité surnaturelle,
[réponse de: jlf@essi.fr]

2. Que si on définit Dieu de manière plus précise comme le Créateur
unique tout-puissant et infiniment bon de tout l'Univers, il y a en plus
de très bonnes raisons de croire qu'Il n'existe pas.
[réponse de: jlf@essi.fr]


[*]> Ne savez vous pas qu'au cours des siècles des philosophes et les plus
[*]> prestigieux Kant, Nietsche et qq autres s'y sont frottés et ont
[*]> échafaudé des constructions intellectuelles remarquables pour cela, et
[*]> qui sont toujours de nos jours des constructions intellectuelles
[*]> remarquables, mais rien de plus?

J'ai fait des études de philo, j'ai lu ces auteurs-là et pas mal
d'autres :-). Y compris de plus récents : on a fait, notamment
outre-Manche, de réels progrès ce siècle, et il y a quelques résultats
et pas mal d'hypothèses plausibles sur lesquelles on travaille dans un
esprit qui n'a pas grand-chose à voir avec celui des grandes
constructions métaphysiques d'antan. Ca vaut d'ailleurs pour les
théistes comme pour les athées.

Mais je ne vais pas recourir à l'argument d'autorité ou vous assomer de
bibliographies ; contentons-nous des arguments des uns et des autres,
avec, au besoin, de temps en temps des indications de lectures pour ceux
qui voudraient aller plus loin.
[réponse de: jlf@essi.fr]

[*]> Il est vain d'essayer de trancher entre Dieu ou non-Dieu. Les deux
[*]> choix sont respectables et doivent être respectés d'autant plus quand
[*]> ils s'inscrivent dans une dynamique de réflexion et d'expérience
[*]> personnelle.

D'accord sur la respectabilité de la réflexion personnelle ; pas
d'accord sur la vanité d'essayer de trancher entre Dieu ou non-Dieu. On
n'y arrivera peut-être pas, mais on peut au moins essayer.
[réponse de: jlf@essi.fr]

[*]> Etre athée comme être croyant c'est prendre un risque (je parle ici
[*]> d'engagement fruit de la réflexion ou du vécu, pas du croyant de
[*]> tradition ou de l'athée par snobisme) Dans le cas du croyant, ce
[*]> risque est assorti d'un espoir; probablement dans le cas de l'athée
[*]> (vous me corrigerez si je me trompe), le choix est encore plus
[*]> difficile car il implique pratiquement de renoncer à donner un sens et
[*]> une explication à la vie, à l'amour et à tout ce qui nous entoure

Je dois corriger :-). Il ne s'agit pas de "renoncer à donner un sens et
une explication à la vie, à l'amour et à tout ce qui nous entoure", et
encore moins de renoncer à en jouir ! Il s'agit simplement de renoncer à
se contenter, comme explication, d'un Dieu lui-même inexplicable.
[réponse de: jlf@essi.fr]

[*]> cordialment,

A vous aussi,

--
Johannes